5. Libre

Réveil. J’aurais vraiment préféré dormir. Encore et encore. Ce sommeil sans rêve me fait échapper à la douleur.

Je repense au Muet. Je n’ai pas le droit de me plaindre. Je suis un chanceux parmi les malheureux. Je n’ai strictement aucune séquelle de mon opération. Certes, certaines se déclenchent quelques jours après, et le risque inflammatoire n’est pas complètement éloigné encore. Je n’ai même pas les complications usuelles qu’on retrouve généralement chez les opérés du cerveau dans la semaine postopératoire. Pas de troubles visuels, pas de mutisme cérébelleux passager…

Juste cette douleur. J’ai une perfusion dans le bras gauche. Décidemment, mon corps est devenu ma terra incognita. J’y découvre des choses au fur et à mesure, et je n’ai pas encore aventuré une main sur mon crâne depuis deux jours.

Toujours allongé en fœtus, regardant vers ma gauche. Ca tombe bien, mon regard se pose tout naturellement sur la porte d’entrée. Je déteste tourner le dos aux portes. Celle-la s’ouvre justement. Sur une jeune femme qui m’apporte un plateau repas. Suivie de deux infirmières, qui s’activent à déverrouiller les barrières de chaque côté de mon lit.

Je peux me lever ! Je ne me fais pas prier pour, et m’approche du plateau repas. Je soulève le couvercle en inox. Que des choses que j’aime, quoiqu’un peu lourdes pour un premier repas depuis longtemps. Je vais sûrement engloutir les lasagnes, mais je vais rester raisonnable avec le feuilleté au fromage qui sert d’entrée.

Je mange. Ca fait vraiment du bien d’être nourri par autre chose qu’un tube dans la narine ou une perfusion.

Je repense aux derniers jours écoulés. Le pire est derrière moi, je le sens. Je veux y croire. Entre le dimanche 7 Octobre, où mes parents m’amenaient à l’hôpital Pellegrin à Bordeaux, dans un sale état ; j’étais même incapable de marcher seul sans soutien tant la tumeur comprimait mon cervelet, affectant mon équilibre ; et aujourd’hui… Mercredi 10 Octobre ?

Trois jours seulement. Les pires de ma vie. Maintenant, j’ai retrouvé mon équilibre. Je ne me suis même pas rendu compte que j’ai parcouru l’espace qui séparait mon lit de la table sans aide, sans souci. Les infirmières avaient même l’air assez surprises de ne pas avoir à m’aider.

J’engloutis le dessert au chocolat.

Pour l’instant tout va bien.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je suis partagée.

Ces textes sont magnifiques : cyniques, réalistes, cruels mais si vrais.

Et pourtant, et pourtant...

Tu es le personnage principal.

Beaucoup ici souhaitent que ce ne soit que pure fiction.

Tes textes transpirent la souffrance et nous renvoient à notre propre perception de la vie au fond.
Mais au delà de la douleur, se cache aussi un humour noir particulièrement acide.
Peut-être, sûrement à ton image...

Je suis partagée donc.

Magnifique personne, saloperie de Medulla.

Voilà mes premières impressions...
Est ce que je désire une suite ?

Je ne sais pas, l'avenir nous le dira.

Le mot de la fin, anodin, sûrement, mais sincère : Courage.

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