12. Ravages

Aujourd’hui, un « petit grand jour » pour moi, je quitte l’Institut pour ma première inter-cure. Elle durera trois semaines, pendant lesquelles, finalement, la seule activité viable sera de glander à la maison… Une vie en suspens, pas de travail, pas d’amis, tous éparpillés dans différentes villes de France, pas de petite amie (hors de question d’en chercher une dans cet état) bref…

Mais finalement c’est bien.

Pas du genre à me laisser abattre, je ne vais pas non plus me ruer sur les jeux-vidéo d’un célèbre professeur nippon pour entraîner mon cerveau. J’ai des cours de japonais, un projet de roman qui pourrait me servir de psychologue à domicile, énormément de choses à faire qui pourraient bénéficier de mon année universitaire perdue à cause de Médulla.

J’engloutis le petit-déjeuner de l’Institut. Il est délicieux, le vice est même poussé jusqu’à proposer des croissants ou chocolatines aux patients le Dimanche. Vraiment, pas de quoi se plaindre.

L’ambulancière arrive d’une minute à l’autre, le temps de contrôler les armoires et la salle de bain, histoire d’éviter mes étourderies habituelles, et je serai prêt à rentrer chez moi et récupérer de ma première chimio.

Le trajet est long… Je vis à 150 kilomètres de l’Institut. Le temps est suffisamment long pour commencer à connaître l’ambulancière, de passer en revue tous les sujets de conversation futiles qui résonnent dans tous les taxis, plaisanter avec elle, parler de ma maladie, de mes doutes, de mes joies, de mes peines.

Comme si elle endossait un temps le costume de psychiatre, le siège passager en guise de sofa.

Nous arrivons. Un simple « à bientôt » qui me rappelle un peu cruellement que ce n’est que le début de mon combat. Et que, si la première bataille en Neurochirurgie fut gagnée haut la main sans pertes amies, les prochaines risquent d’être des victoires un peu moins éclatantes.

Ca fait du bien de rentrer. Mon nouvel univers sera fait d’aller-retours entre l’hopîtal et la maison. Avec la même joie à chaque retour, l’occasion de passer trois semaines dans le « home sweet home » avant la prochaine convocation à l’Institut, délivrée sous la forme d’un magnifique carton de rendez-vous jaune.

Je retrouve ma chambre. Mon ordinateur portable, tranquillement endormi avant qu’il ne reprenne du service ; je ne sais pas s’il existe un Dieu pour les ordinateurs, mais le mien ira très certainement au Paradis avec l’enfer qu’il vit sur Terre avec moi.

Cet ordinateur qui déclencha mes crises de panique, à la lecture des témoignages des trop nombreux parents en deuil de leurs enfants littéralement rongés par cette saloperie.

Ce même ordinateur qui me permit finalement de me frayer un passage au travers des couloirs virtuels parsemés des pleurs des parents, des « bip » macabres des unités de soins palliatives, jusqu’à ouvrir les portes de plusieurs sites Internet plus ou moins sérieux. Pour y apprendre que, bien que peu de survivants s’expriment, ils n’en sont pas moins là, à vivre leur vie, plus ou moins modifiée par leur aventure.

Je soupire. Il faudra que j’ouvre une page blanche, virtuelle aussi, pour raconter mon périple. Mais quand ? J’ai toujours été fainéant, et l’écriture c’est pas mon truc…

Mon regard se tourne du coup vers ma sept-cordes électrique. Ouais, ça c’est mon truc. Envoyer des bons gros riffs de guitare électrique bien violents. C’est drôle, je peux pas m’empêcher de trouver ridicule la horde de jeunes « métalleux » ou « gothiques » qui font une espèce de dépression chronique simulée pour paraître plus « dark ». Je les enverrai bien faire un stage en chimio, moi.

C’est bien joli tout ça mais, du coup, bloqué à la maison, autant en profiter pour améliorer ce que je sais déjà faire… Sur mon bureau, des cours de langues ; sur l’ordinateur, un jeu de stratégie futuriste ou savoir gérer 250 choses à la fois est une condition minimale pour espérer gagner une partie ; sur le tapis, la guitare, l’amplificateur, et…

Le chien.

Il n’a rien à faire ici.

Sur MON tapis.

Il le sait.

Nos regards se croisent.

Pris d’un doute, il arrête de remuer stupidement la queue.

Je lui saute littéralement dessus pour la jeter dehors, elle prend ça pour un jeu.

Je pousse un cri de douleur. Ca, c’est pas un jeu. J’ai une douleur fulgurante dans le dos, un de mes muscles se contracte dans une crampe impossible. Je l’avais lu quelque part, qu’une chimiothérapie pouvait provoquer des pertes de tonus musculaires ou des douleurs…

Ca me fait si mal, je suis bon pour laisser tomber mes idées pour passer le temps. Je me couche, je passerai donc la journée entière et la nuit dans mon lit.

Je comprends que finalement, une chimio, c’est un grand sac d’effets secondaires dans lequel je piocherai au hasard un petit peu tous les jours. Sur le moment de l’injection, je pouvais me sentir nauséeux, un peu mal à l’aise, pas de quoi faire trembler de peur ni de douleur.

Si ça commence comme ça, quels ravages dans mon corps à la fin de mes traitements ?

3 commentaires:

Anonyme a dit…

gnark t'a fini de maltraiter se pauvre chien!
je suis avec toi de tout coeur mon ange
ta chanson avance tu sais
je la boss un max pour te la faire ecouter et quis ais pêu etre la passé au mariage
en tout cas je voudrai te parler un projet que j'ai pour mon mariage
on en reparle tout les deux tit coeur
tendrement
ta chiwie

Anonyme a dit…

Salut Bruno,

Heu....je suis un peu perdue....tu viens de rentrer chez toi ou tu parles de ce qui s'est passé?

Je pense bien à toi

Bisous. Laurence

Unknown a dit…

Bonjour Bruno,

Merci d'avoir mis en lien le blog de Damien.

Pour l'accès à celui-ci, soit vous demandez les mots de passe à Bruno et à moi-même en m'envoyant un mail sympa à mon adresse.

Oui, la chimio, a beaucoup d'effets secondaires. Pour Damien on arrivait à les contrecarré par une bonne hygiène de vie , une alimentation équilibrée et pleins d'autres astuces trop longues à énumérer sur un commentaires.

Je continue à te lire et ç'est bien difficile pour moi. Mai, j'ai besoin de savoir...

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