11. Ténèbres, Acte III

« En garde, Bruno. »

Pas vraiment grand escrimeur, autant par la valeur que par la hauteur, je n’en sais néanmoins pas moins me battre une lame à la main. Si elle veut finir découpée dans mon imagination avant de terminer brûlée dans la vie réelle, c’est son problème. Le mien, c’est d’essayer d’avoir un rêve agréable, après tout c’est ma dernière nuit d’hôpital avant de rentrer chez moi.

Tranquillement donc, je me mets en garde, une rapière à la main. Elle charge comme une forcenée, levant son sabre assez haut. Pas la peine de se fatiguer, je l’esquive rapidement en me dérobant sur ma droite.

« Rhaaaaaaaa ! »

Je m’ennuie déjà. Ce rêve est nul. En être conscient et ne pas se réveiller est encore plus nul. J’ai hâte de rentrer chez moi, l’ambiance hospitalière m’empêche de penser à autre chose que…

« Crains-moi ! Bats-toi, enfin ! »

…cette cochonnerie. Elle est encore plus laide et monstrueuse, haletant et fatiguée de son premier assaut et coups dans l’air. Cette personnification de ma tumeur m’amuse. Elle a l’air si vraie. Elle est couverte de cloques. Se démange comme une bête régulièrement. Grande malade empoisonnée ?

« Eh, tu m’écoutes ? »

Je suis las. Je détends ma garde pour finalement m’éloigner et me vautrer sur le canapé. Allume la télé. Je ris sous cape d’entendre ma très chère ennemie fulminer. Désolé ma grande, mais ce n’est pas toi qui va transformer ce rêve somme toute très idiot en cauchemar. Résignée, elle s’approche du poste pour écouter avec moi.

Un reportage, sur un québécois qui a survécu largement au médulloblastome.

« Ce truc est idiot, on ne peut pas me survivre, c’est impossible je reviens et je gagne toujours !

- Pourtant on dirait bien que si ! Ce québécois est dans ma mémoire… Une amie m’en a parlé. Opéré avant 5 ans, et maintenant il en a pratiquement 20 et fait des études. »

Comble, le reportage ajoute même qu’Hugo, c’est son nom, a son baccalauréat, malgré les séquelles possibles des traitements. Il y a un espoir, je serai idiot de ne pas y croire.

« Tu avais si peur de moi pendant une semaine complète, tu es donc aveugle de ne pas voir que je vais te tuer lentement pour pouvoir vivre ? »

Je lui dégaine un petit sourire. Ce n’est pas elle que je crains. Plus du tout, je sais qu’elle peut me pourrir la vie ou me la prendre, mais je ne la crains plus.

Par contre, j’ai toujours très peur d’une alliée qu’il me faudra pourtant rencontrer.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Qui est ce québécois dont tu ne m'as jamais parlé ??? ca m'intéresse et pas q'un peu ... tu me fais signe et tu me racontes s'il te plait ? d'avance merci.
Bravo pour cette suite toujours aussi prenante mais j'ignore pourquoi je sens une "différence" dans l'écriture ...

Unknown a dit…

Bonjour Bruno,

Vous écrivez d'une façon extraordinaire. J'ai vu et vécu la maladie au travers de Damien mon fils mais que d'un point de vue extérieure. Maintenant, j'imagine l'intérieur. ça me rend triste de savoir tout ce qu'à du subir notre fils et notre impuissance face à celle-ci. Il nous a bien caché les choses le filou. IL ne voulait pas nous voir triste; Il nous disait tout le temps : "arrêtez de vous inquiéter pour moi, je vais bien"; du haut de ses 8ans. Mais je me doutais bien que ça n'allait pas si bien qu'il voulait bien nous le faire croire.
Je suis en colère contre cette "saleté" et j'espère, oui j'espère qu'elle ne vous mangera pas à son tour. Elle a déjà fait bien trop de peine et de dégats. Il est temps , oui grand temps que ça s'arrête.

Toute mon amitié
Fabienne, Maman de Damien (24/09/98 - 30/06/07)
Médulloblastome diagnostiqué en avril 2004.
http://damien.m.medicalistes.org
Demander les autorisations pour l'accès au Blog.

Anonyme a dit…

Haï Bruno!
j aime bien les légères modifications que t as apporté aux premiers chapitres, et j'avoue qu une deuxieme lecture me fait le meme effet!
comme la premiere fois que j ai lu Medulla, je trouves le meme plaisir à te lire... mais au meme temps je ressent la meme peine de te voir vivre tout ça !
tu es mon héros, et mes héros sont tous courageux! Je sais que tu y arrivera, pas seulement pour toi, mais aussi pour ceux qui t'aiment...
A travers ces chapitres, tu nous approche de plus en plus de ce que tu vis.. on se sent de plus en plus proche de toi ..
J'attends la suite avec impatience!

Je t'embrasse chéri !
FaiTh

Anonyme a dit…

Salut Bruno,

A te lire, il y a des hauts et des bas dans ton moral..logique..

Je vois qu'après le moment de panique, tu personnalises ta tumeur, tu l'apprivoises, tu lui parles, tu la mets en garde, tu lui as déclaré la guerre!!!!

vas y, bats toi et gagne la guerre.

Tu ne seras jamais plus le même, bien sûr, comme tous ces parents et ses enfants qui ont lutté ou qui, comme toi, se battent en ce moment....Mais comme eux, tu sortiras "grandi"...Je le sais, je le sens en te lisant. Tu as la force, le courage et l'intelligence de pouvoir vivre "heureux" avec cette maladie.

Ah j'oublias...séance de bisouthérapie aujourd'hui...

A+

Laurence

pfffffffff je stresse pour Dimitri

Anonyme a dit…

Bonsoir Bruno,

Tout est dit à travers tes témoignages: les craintes, les peurs, les angoisses, la souffrance bien sûr mais aussi le courage, l'envie d'y croire, la profondeur de la vie, l'espoir enfin des jours meilleurs. Oui, il faut y croire, toujours et encore, ne jamais baisser les bras. C'est sûr, certains jours c'est plus difficile, mais il faut remonter la pente car la victoire est au bout du chemin. Ne jamais en douter. Personnellement je n'en doute pas, ni pour ma fille, ni pour tous ceux qui vivent les mêmes tourments. Et pour te donner de l'espoir, voici un témoignage que je te joins. Il y en a un certain nombre sur le net. Depuis deux ans que je vis avec le médullo, j'en ai trouvé, il faut juste chercher un peu plus car les gens qui s'en sont sortis témoignent peu. Je suppose qu'ils ont envie de tourner la page (loin de moi l'envie de juger). Peut-être ferai-je de même à leur place? En tous les cas, Grand Merci à ceux qui le font, ça fait tellement de bien de pouvoir lire des messages remplis de positif. Voilà, je te laisse avec le témoignage de Michel.

Elisa, maman de Flor (médullo avril 2006, en rémission depuis juillet 07).
Courage pour la suite des traitements

michel440
Posté le 10-03-2007 à 19:34:32

Je suis le papa d'un enfant qui a eu un médulloblastome en... 1986 soit il y a 21 ans.Nous avons vécu des moments difficiles comme tous les parents confrontés à ce problème.Notre fils a subi une intervention puis une radiothérapie(30 séances si mes souvenirs sont bons).Initialement une chimiothérapie était prévue mais elle fut abandonnée sans en connaitre la raison, nous avons laissé l'équipe libre de son choix sans poser plus de question.Après il y a un suivi . Maintenant nous sommes d'heureux grands-parents, notre fils a suivi de brillantes études il n'a pas de séquelles, alors courage

Anonyme a dit…

Découvrir un nouveau témoignage... un enfant soigné il y a 21 ans, guérit... ayant suivit des études et papa aujourd'hui.. que d'espoir pour Dimitri... pour toi ...

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